LYCÉENS AU CINÉMA
LA JEUNE FILLE SANS MAINS
FILM D'ANIMATION DE SÉBASTIEN LAUDENBACH
2016
76 minutes
Couleur
Un meunier à bout de force, affamé et ruiné, vend sa fille au diable, contre une rivière d'or et l'illusion du bonheur. Les mains de la jeune fille étant trop pures pour que le démon l'emporte, elle se les fait couper avant de s'enfuir. En chemin, elle rencontre la déesse de l'eau, un doux jardinier et un prince qui tombe immédiatement amoureux d'elle et lui fabrique des prothèses en or. Lorsqu'elle tombe enceinte et que la guerre éclate aux confins du royaume, elle doit prendre son destin en main et maîtriser sa peur...
Critique de la rédaction Chacun cherche son film
Péchant par cupidité, un meunier livre sa fille au Diable en échange de tout l’or du monde. Celui-ci ne réussit pourtant jamais à corrompre la jeune fille, trop pure pour être touchée par des mains sataniques, trop éprise de liberté pour se résigner à la servitude. Si la jeune fille perd ses mains dans la bataille, elle ne perd jamais son intégrité morale. Ne pouvant plus compter que sur elle-même, elle trace alors son propre chemin à la force de ses moignons.Inspiré d’un conte des frères Grimm, La jeune fille sans mains ne débouche sur la lumière qu’après maintes épreuves cruelles. Cela n’empêche pas Sébastien Laudenbach de nous illuminer graphiquement du premier au dernier plan, qu’il a intégralement peints à la main, dans un style proche de l’estampe, tout en contours et suggestions de formes. Cette inspiration orientale se ressent également dans l’animisme de son univers. Les esprits bienveillants et malveillants que l’héroïne croise sur sa route s’incarnent ou se métamorphosent en éléments naturels. Pour s’en sortir dans un univers où les hommes l’ont trahie, c’est aussi dans la nature, généreusement féconde, qu’elle trouve son salut. Un apologue plein de justesse et d’une beauté formelle ébouriffante.F.L.
- Les critiques du film
Critique par Cécile Mury
Le conte des frères Grimm est d’une cruauté inouïe. Afin de vendre sa fille au diable contre une rivière d’or, un meunier coupe les mains de la belle innocente… Et ce n’est que le début d’une litanie de malheurs. De cet implacable récit, métaphore de la noirceur de l’âme humaine, Sébastien Laudenbach tire un film d’animation lumineux. Les silhouettes, suggérées en quelques traits sûrs et gracieux, se forment et se défont : le mouvement des corps et de la vie est aussi celui du dessin en train de naître.
Au-delà de sa beauté méditative, le film développe les thèmes les plus sombres — la toxicité potentielle des rapports parents-enfants, la vénalité, la lâcheté —, mais aussi les plus simples — l’amour, l’enfantement —, avec la même sincérité délicate. Pas de fausse pudeur à la Disney dans ces scènes où le lait jaillit joyeusement d’un sein, où le diable est nu. Ce film invite tous les publics à contempler sans ciller la danse de l’art et de la vie.
Il signe un film lumineux et poétique bien éloigné des dessins animés remplis de personnages aux formes définies et aux couleurs pétantes auxquels nos regards de spectateurs sont la plupart du temps soumis.
Le déroulement de l’histoire (en gros la vente de son enfant au Malin) trouve son juste équilibre entre cruauté crasse et grandeur d’âme. Le diable évolue dans des tableaux sombres et tourmentés dignes des peintres du 18ème siècle alors que la jeune fille, à qui Anaïs Demoutiers prête la douce musique de sa voix, rend hommage à la nature aux couleurs chaudes et ensoleillées. Bénéficiant d’une totale liberté, le récit s’attache avant tout à nous décrire la trajectoire d’une jeune femme qui tourne le dos à la mainmise des hommes pour assumer son destin. Il en profite pour aborder des thèmes universels allant de la liberté de la femme à la violence des rapports humains en passant par l’amour et la beauté des choses de la vie. Sans aucune gêne, on se baigne nus dans la rivière, on défèque en toute tranquillité dans la nature, on laisse le lait s’échapper d’un sein, on ne tait pas les gémissements de plaisir. Sans compassion, on se prend en pleine face les scènes de dévastation, on est plongés dans le sang et la douleur.
A l’aide de quelques coups de crayons à peine esquissés, le réalisateur nous restitue avec la même vivacité violence et douceur. Car si le rythme lent freine quelque peu le propos, c’est bien la magie picturale, évocatrice de la calligraphie asiatique qui retient toute l’attention. Jetés sur le papier, quelques traits furtifs se précisent pour délicatement se transformer en personnages, animateurs colorés du récit. Les couleurs éclatent sur l’écran et remplissent les formes nous plongeant dans un univers métaphorique de toute beauté. Des points verts disséminés dessinent les feuilles dans les arbres, un trait bleu sera une rivière fougueuse. Des détails d’animation inédits nous précipitent dans une expérience merveilleuse et inoubliable de pureté.
A l’instar de cette jeune fille qui, privée de ses mains, se voit dans l’obligation de s’inventer sans cesse une autre vie, ce long-métrage d’animation, aux images en éternelle mutation et à l’abstraction totale, devrait ravir tous ceux qui, lassés des histoires préétablies, auront cette fois le plaisir de laisser toute latitude à leur soif d’imagination.
Le conte des frères Grimm est d’une cruauté inouïe. Afin de vendre sa fille au diable contre une rivière d’or, un meunier coupe les mains de la belle innocente… Et ce n’est que le début d’une litanie de malheurs. De cet implacable récit, métaphore de la noirceur de l’âme humaine, Sébastien Laudenbach tire un film d’animation lumineux. Les silhouettes, suggérées en quelques traits sûrs et gracieux, se forment et se défont : le mouvement des corps et de la vie est aussi celui du dessin en train de naître.
Au-delà de sa beauté méditative, le film développe les thèmes les plus sombres — la toxicité potentielle des rapports parents-enfants, la vénalité, la lâcheté —, mais aussi les plus simples — l’amour, l’enfantement —, avec la même sincérité délicate. Pas de fausse pudeur à la Disney dans ces scènes où le lait jaillit joyeusement d’un sein, où le diable est nu. Ce film invite tous les publics à contempler sans ciller la danse de l’art et de la vie.
Il signe un film lumineux et poétique bien éloigné des dessins animés remplis de personnages aux formes définies et aux couleurs pétantes auxquels nos regards de spectateurs sont la plupart du temps soumis.
Le déroulement de l’histoire (en gros la vente de son enfant au Malin) trouve son juste équilibre entre cruauté crasse et grandeur d’âme. Le diable évolue dans des tableaux sombres et tourmentés dignes des peintres du 18ème siècle alors que la jeune fille, à qui Anaïs Demoutiers prête la douce musique de sa voix, rend hommage à la nature aux couleurs chaudes et ensoleillées. Bénéficiant d’une totale liberté, le récit s’attache avant tout à nous décrire la trajectoire d’une jeune femme qui tourne le dos à la mainmise des hommes pour assumer son destin. Il en profite pour aborder des thèmes universels allant de la liberté de la femme à la violence des rapports humains en passant par l’amour et la beauté des choses de la vie. Sans aucune gêne, on se baigne nus dans la rivière, on défèque en toute tranquillité dans la nature, on laisse le lait s’échapper d’un sein, on ne tait pas les gémissements de plaisir. Sans compassion, on se prend en pleine face les scènes de dévastation, on est plongés dans le sang et la douleur.
A l’aide de quelques coups de crayons à peine esquissés, le réalisateur nous restitue avec la même vivacité violence et douceur. Car si le rythme lent freine quelque peu le propos, c’est bien la magie picturale, évocatrice de la calligraphie asiatique qui retient toute l’attention. Jetés sur le papier, quelques traits furtifs se précisent pour délicatement se transformer en personnages, animateurs colorés du récit. Les couleurs éclatent sur l’écran et remplissent les formes nous plongeant dans un univers métaphorique de toute beauté. Des points verts disséminés dessinent les feuilles dans les arbres, un trait bleu sera une rivière fougueuse. Des détails d’animation inédits nous précipitent dans une expérience merveilleuse et inoubliable de pureté.
A l’instar de cette jeune fille qui, privée de ses mains, se voit dans l’obligation de s’inventer sans cesse une autre vie, ce long-métrage d’animation, aux images en éternelle mutation et à l’abstraction totale, devrait ravir tous ceux qui, lassés des histoires préétablies, auront cette fois le plaisir de laisser toute latitude à leur soif d’imagination.
A l’instar de cette jeune fille qui, privée de ses mains, se voit dans l’obligation de s’inventer sans cesse une autre vie, ce long-métrage d’animation, aux images en éternelle mutation et à l’abstraction totale, devrait ravir tous ceux qui, lassés des histoires préétablies, auront cette fois le plaisir de laisser toute latitude à leur soif d’imagination.